Cabries Calas : la nature, poubelle du BTP

Publié le 8 Janvier 2019

Sur ce terrain privé à la lisière du Technopôle de l’Arbois, des dizaines de milliers de tonnes de déchets inertes issus des chantiers du département ont été déversées au cours des derniers mois. Depuis l’exploitation d’un couple de producteurs de safran au lieu-dit les Mensongères à Cabriès, en bordure de D9, un chemin parfois large de 20 à 30 mètres et dépassant de 2 m le niveau naturel du sol a été aménagé dans la forêt et un vallon complet a été comblé. Au sommet, trois immenses buttes de 120 mètres de long et 3 mètres de haut d’où émergent des blocs de béton, des morceaux de tuyau et des plaques de bitume.

Sur ce terrain privé à la lisière du Technopôle de l’Arbois, des dizaines de milliers de tonnes de déchets inertes issus des chantiers du département ont été déversées au cours des derniers mois. Depuis l’exploitation d’un couple de producteurs de safran au lieu-dit les Mensongères à Cabriès, en bordure de D9, un chemin parfois large de 20 à 30 mètres et dépassant de 2 m le niveau naturel du sol a été aménagé dans la forêt et un vallon complet a été comblé. Au sommet, trois immenses buttes de 120 mètres de long et 3 mètres de haut d’où émergent des blocs de béton, des morceaux de tuyau et des plaques de bitume.

Afin de s’épargner des coûts supplémentaires et d’échapper aux contraintes réglementaires, des entreprises véreuses déposent les déchets dits inertes tirés de leur chantier directement dans la nature, loin de tout contrôle.

Selon une étude de l’Observatoire des déchets, en 2016, 12% de ces déchets produits en Paca auraient été déversés illégalement, soit environ 1,8 million de tonnes. Des petites buttes qui apparaissent de plus en plus fréquemment au bord des routes aux gigantesques décharges illégales aménagées à l’abri des regards, ils sont désormais disséminés partout. Au cœur d’un territoire à l’urbanisation galopante, le pays d’Aix subit de plein fouet ce crime contre l’environnement qui peu à peu souille le paysage, modifie les reliefs, étouffe les sols, désorganise l’écoulement des eaux et menace les nappes phréatiques.

Il y a des chemins en terre battue et des corps de ferme en pierre. À deux kilomètres de la D9, derrière les Mensongères, le lieu-dit Saint-Amand (Cabriès) donne une trompeuse impression de ruralité. Ce repli calme et facile d'accès est surtout l'endroit parfait pour écouler à l'abri des regards l'encombrant mélange de terre, de gravats et de matériaux divers que les promoteurs produisent partout aux alentours.

Le long du chemin qui avance dans le vallon, on en repère déjà les traces à la lisière des propriétés. Tout au fond, un panneau annonce le domaine privé de Tony et Betty Barli. Dans un enclos parfaitement tenu, le couple cultive ses précieux pieds de safran et couve sa truffière. Sur un carré un peu plus haut à l'orée de la forêt, on croise leurs ruches. Il faut s'y avancer pour entrevoir les premiers dégâts. Cette même propriété où le couple n'apprécie guère de voir s'essouffler des joggeurs, des norias de camions de chantier l'ont traversée pour aller déverser leurs déchets dans la colline boisée qui débouche sur le Technopôle de l'Arbois.

À Cabriès, Betty et Tony Barli jurent quant à eux n'avoir rien perçu de ceux qui venaient décharger chez eux. L'enquête se chargera de le vérifier mais en tout état de cause, leur projet de ferme pédagogique a du plomb dans l'aile.

À Cabriès, Betty et Tony Barli jurent quant à eux n'avoir rien perçu de ceux qui venaient décharger chez eux. L'enquête se chargera de le vérifier mais en tout état de cause, leur projet de ferme pédagogique a du plomb dans l'aile.

Trois gigantesques tas de 120 mètres de long et 3 de haut

Il n'a fallu que quelques mois pour qu'au sommet, trois gigantesques tas de 120 mètres de long et 3 de haut voient le jour. "Ça s'est fait par l'intermédiaire d'un collègue, au départ, ils devaient juste remblayer notre route d'accès et puis faire un merlon là-haut", explique le couple qui dit avoir voulu d'abord empêcher les intrus en basket et "ceux qui viennent faire la graine" de pénétrer sur leurs terres. "Ensuite les camions ont continué à venir en profitant de notre absence, vous savez, ces gens-là c'est la mafia, quand ils ont commencé, on ne peut plus les arrêter. Je suis pas fier mais on est obligé de faire des conneries comme ça, je peux pas blairer tous ces joggeurs" s'agace Tony Barli. Des explications qui n'ont guère convaincu Jean-Marc Perrin, l'élu d'Aix, qui a alerté le maire de Cabriès et les services de l'État. 

Sur ce terrain privé à la lisière du Technopôle de l’Arbois, des dizaines de milliers de tonnes de déchets inertes issus des chantiers du département ont été déversées au cours des derniers mois. Depuis l’exploitation d’un couple de producteurs de safran au lieu-dit les Mensongères à Cabriès, en bordure de D9, un chemin parfois large de 20 à 30 mètres et dépassant de 2 m le niveau naturel du sol a été aménagé dans la forêt et un vallon complet a été comblé. Au sommet, trois immenses buttes de 120 mètres de long et 3 mètres de haut d’où émergent des blocs de béton, des morceaux de tuyau et des plaques de bitume.

Qu'y a-t-il vraiment là-dessous ? En surface, on distingue un mélange de terre et de cailloux avec des morceaux de béton, de carrelage, de bitume ou de ferraille. "Mais souvent ils mettent d'abord les déchets sales avant de recouvrir avec ces déchets inertes. Impossible ensuite de savoir ce qu'il y a vraiment en dessous", décrit Jean Sansone, responsable local d'Anticor qui traque les décharges illégales très nombreuses dans le secteur

Yanick Jacquet, le directeur du golf, assure que tout cela "se passe en dehors du golf" et que son établissement "n’est pas concerné ni en tant que responsable ni en tant que victime". Une affirmation qui dissone curieusement avec celle du maire de Cabriès, Hervé Fabre-Aubrespy : "Il s’agit d’aménagements pour la création du parcours d’entraînement du golf. J’ai fourni les explications"

Yanick Jacquet, le directeur du golf, assure que tout cela "se passe en dehors du golf" et que son établissement "n’est pas concerné ni en tant que responsable ni en tant que victime". Une affirmation qui dissone curieusement avec celle du maire de Cabriès, Hervé Fabre-Aubrespy : "Il s’agit d’aménagements pour la création du parcours d’entraînement du golf. J’ai fourni les explications"

Le golf de Cabriès

La plus impressionnante est sans conteste celle qui borde le golf de la Cabre d’Or de Cabriès où depuis des années, s’entassent des montagnes de déchets de chantier, déformant complètement le relief et s’étendant sur plusieurs hectares en recouvrant totalement la végétation. Sur place on distingue les différentes zones de stockage qui mangent la forêt et les chemins aménagés dans la colline pour y accéder qui longent même l’un des greens.

Selon nos informations, un engin de terrassement y était même domicilié pour gérer les masses de déchets. Il aurait été retiré il y a quelques semaines. C’est que l’affaire commence à faire du bruit depuis qu’un éminent juriste aixois propriétaire d’un terrain attenant, l’a trouvé enseveli sous une montagne de gravats d’une dizaine de mètres de hauteur. La facture pour la remise en état se monterait à 700 000€.

Yanick Jacquet, le directeur du golf, assure que tout cela "se passe en dehors du golf" et que son établissement "n’est pas concerné ni en tant que responsable ni en tant que victime". Une affirmation qui dissone curieusement avec celle du maire de Cabriès, Hervé Fabre-Aubrespy : "Il s’agit d’aménagements pour la création du parcours d’entraînement du golf. J’ai fourni des explications (aux services compétents) et à ma connaissance il n’y a pas de poursuites." L’édile, élu une première fois en 2001, concède néanmoins qu’il "y a eu un laxisme pendant des années" mais que cette époque est révolue depuis qu’il a "créé une police de l’environnement avec deux agents équipés de quads".

Un premier procès à Aix

C'est la première fois qu'une affaire de ce type est jugée dans le département, marquant ainsi la volonté du procureur de la République, Achille Kiriakides, d'ériger les atteintes à l'environnement en priorité. "Il y a des entreprises qui font cela pour baisser leurs coûts, parfois c'est le transporteur qui facture le dépôt au prix fort et va tout jeter dans la nature. Les propriétaires qui les acceptent chez eux encourent les mêmes peines", décrit Rémy Avon, le procureur aixois qui pilote une vingtaine d'enquêtes de ce type.

Lors du procès de la décharge de Châteauneuf-les-Martigues (délibéré le 9 janvier) il a requis des peines de prison ferme et des amendes allant jusqu'à 150 000 € ainsi que la remise en état des terrains et la fermeture des sociétés incriminées. Pour être dissuasives, les sanctions doivent en effet se hisser à la hauteur des intérêts financiers en jeu. Dans ce cas précis, le tarif pour décharger illégalement un camion de 25 tonnes était fixé à 70€, environ trois fois moins que le coût du dépôt dans un site agréé (200€ par camion). L'économie se chiffrerait ainsi à plus de 9 M€ par an pour les entrepreneurs du 13.

À Cabriès, Betty et Tony Barli jurent quant à eux n'avoir rien perçu de ceux qui venaient décharger chez eux. L'enquête se chargera de le vérifier mais en tout état de cause, leur projet de ferme pédagogique a du plomb dans l'aile. 

Rédigé par Amapola VENTRON

Publié dans #Cabries-Calas

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